La traduction et commentaire de ce texte ont une origine particulière, puisqu'ils ont fait l'objet d'une discussion sur un forum consacré à la langue latine. Les participants désirant rester anonymes, vous ne trouverez ici que la somme de nos interventions. Qu'ils soient assurés de ma plus vive gratitude !

       Gaius Iulius Hyginus (c. -64, +17) fut directeur de la bibliothèque du Palatin. Nous ne conservons de lui que quelques fragments, mais sous son nom nous sont parvenus plusieurs manuscrits : un ouvrage de géographie, un traité d'astronomie, et surtout un précis de mythologie qui doit dater du IIème siècle après J.-C. Le style d'Hyginus mythologus manque de beauté, et son vocabulaire est composite, mêlé de grec et de néologismes, mais je ne pense pas qu'il faille mépriser cet auteur, ne serait-ce que parce que des textes en partie abordables par des cinquièmes et des quatrièmes, il n'y en a pas des légions dans le corpus.

LES DOUZE TRAVAUX D'HERCULE COMMANDES PAR EURYSTHEE

ATHLA est un mot grec. On attendrait labores, ou aerumnae. Est-ce une tentative pour se rapprocher de l'origine grecque de cette fable ?

[1] Infans cum esset, dracones duos duabus manibus necauit, quos Iuno miserat, unde primigenius est dictus.
Lorsqu'il était enfant, il tua de ses deux mains deux dragons, que Junon avait envoyés, à la suite de quoi il fut déclaré l'aîné.
       Officiellement ils étaient fils jumeaux d'Amphitryon et d'Alcmène mais Hercule en tuant les deux serpents envoyés par Héra prouvait qu'il était fils de Zeus. Ce cas de gémellité divine/humaine n'est pas unique. Hercule demi-dieu né en même temps que son jumeau humain Iphiclès, rappelle l'autre couple de jumeaux Castor le mortel, fils de Tyndare et Léda, et Pollux l'immortel fils de Zeus et Léda. Ce sont les frères de la belle Hélène femme de Ménélas et de Clytemnestre femme d'Agamemnon. Pollux pour faire revivre son frère Castor qui avait été tué au combat proposa de partager son immortalité, Zeus fut d'accord. Ce sont eux qui sont représentés dans le signe des Gémeaux et qui apparaissaient aux marins sous la forme du feu Saint-Elme.


[2] Leonem Nemeum, quem Luna nutrierat in antro amphistomo atrotum, necauit, cuius pellem pro tegumento habuit.
     Il tua le lion de Némée que la Lune avait élevé dans son antre à deux entrées en le rendant invulnérable, et dont il prit la peau en guise de vêtement.
Amphistomo « à deux bouches » et atrotum, « invulnérable », sont des mots grecs. Même remarque que sous le titre. Les nombreux vases grecs où apparaît Héraclès nous le montrent ainsi vêtu.

[3] Hydram Lernaeam Typhonis filiam cum capitibus nouem ad fontem Lernaeum interfecit. haec tantam uim ueneni habuit ut afflatu homines necaret, et si quis eam dormientem transierat, uestigia eius afflabat et maiori cruciatu moriebatur. hanc Minerua monstrante interfecit et exinterauit et eius felle sagittas suas tinxit; itaque quicquid postea sagittis fixerat, mortem non effugiebat, unde postea et ipse periit in Phrygia.
Il tua l'hydre de Lerne, fille de Typhon, avec ses neuf têtes, près de la source de Lerne. Celle-ci eut une si grande force de par son venin qu'elle tuait des hommes par son souffle, et si quelqu'un passait pendant son sommeil, elle soufflait sur ses empreintes de pas et il mourait dans d'affreuses souffrances. Il tua celle-ci sur les conseils de Minerve, lui ôta les intestins et empreignit ses flèches de sa bile; c'est pourquoi quiconque il avait ensuite transpercé par des flèches n'échappait pas à la mort, dont par la suite lui-même périt aussi Phrygie.
       Je suppose que toute mort dans d'atroces souffrances devait être imputée à l'Hydre. C'était certainement elle le symbole des maladies horribles et insupportables.


[4] aprum Erymanthium occidit.
Il tua le sanglier de l'Érymanthe.


[5] ceruum ferocem in Arcadia cum cornibus aureis uiuum in conspectu Eurysthei regis adduxit.
Il conduisit vivant en Arcadie le cerf sauvage avec des bois en or, pour le montrer au roi Eurysthée.

[6] aues Stymphalides in insula Martis, quae emissis pennis suis iaculabantur, sagittis interfecit.
Il tua de ses flèches dans l'île de Mars les oiseaux du Stymphale qui lançaient des traits en envoyant leurs propres plumes.

[7] Augeae regis stercus bobile uno die purgauit maiorem partem Ioue adiutore; flumine ammisso totum stercus abluit. taurum cum quo Pasiphae concubuit ex Creta insula Mycenis uiuum adduxit.
Il nettoya en un seul jour le fumier de boeuf du roi Augias, détourna une rivière avec l'aide de Jupiter, et en entraîna ainsi la plus grande partie. Il ramena vivant à Mycènes, depuis l'île de Crête, le taureau avec lequel coucha Pasiphaé.

[8] Diomedem Thraciae regem et equos quattuor eius, qui carne humana uescebantur, cum Abdero famulo interfecit; equorum autem nomina Podargus Lampon Xanthus Dinus.
Il tua le roi de Thrace Diomède et ses quatre chevaux qui se nourrissaient de chair humaine, avec son serviteur Abder; quant aux noms des chevaux, ils étaient Podargus, Lampon, Xanthus et Dinus.

[9] Hippolyten Amazonam, Martis et Otrerae reginae filiam, cui reginae Amazonis balteum detraxit; tum Antiopam captiuam Theseo donauit.
Il enleva Hippolyte l'Amazone, fille de la reine Otrera et de Mars, reine pour les Amazones, à qui il enleva la ceinture; Alors il fit prisonnière la reine Antiope et la livra à Thésée.
Hippolyte : première déclinaison grecque des noms féminins en e.
      Nominatif : Hippolyte
      Vocatif : Hippolyte
      Accusatif : Hippolyten
      Génitif : Hippolytes
      Datif : Hippolyte
      [Ablatif : (Hippolyte)] Les Grecs n'ont pas l'ablatif, mais les Romains utilisent la même désinence que le datif pour l'ablatif.
Cette déclinaison est simplement latinisée par celle de Rosa. Les poètes utilisaient les formes grecques de ces noms pour donner à leurs vers une touche grecque. Dione, es = Mère de Vénus ou parfois Vénus. heroine, es = demi-déesse. Helene, es = Helène. Hesione, es = Hesione. Surtout des noms de femmes grecques.
   Donare signifie bien donner, mais le mot est choquant à notre époque. Livrer passe mieux, mais il met l'accent sur la personne livrée, alors que donare met l'accent sur celle qui reçoit. Le conflit entre le cadeau de guerre (Andromaque ou Briséis par exemple), considéré au départ comme un objet de valeur, et la personne humaine, souvent reine ou princesse qui est ainsi livrée, a été exploité par les tragiques grecs, et aussi par Racine.

[10] Geryonem Chrysaoris filium trimembrem uno telo interfecit.
Il tua d'un trait unique le triple Géryon, fils de Chrysaor.

[11] draconem immanem Typhonis filium, qui mala aurea Hesperidum seruare solitus erat, ad montem Atlantem interfecit, et Eurystheo regi mala attulit.
Il tua, près de la montagne Atlas, le monstrueux dragon fils de Typhon qui avait pris l'habitude de garder les pommes d'or des Hespérides, puis il apporta des pommes au roi Eurysthée.
Ce dragon fils de Typhon et d'Echidna s'appelait Ladon.

[12] canem Cerberum Typhonis filium ab inferis regi in conspectum adduxit.
Il conduisit depuis les enfers le chien Cerbère, fils de Typhon, sous le regard du roi.