Incident pendant une lecture publique

       Voici une scène assez plaisante dont vous n'avez pas été témoin. J'étais absent aussi ; mais on me l'a contée à mon retour de Rome. Passiénus Paulus, illustre chevalier romain, et personnage fort savant, fait des vers élégiaques : c'est un goût de famille. Il est du pays de Properce, et même il le compte parmi ses ancêtres. Il lisait en public un ouvrage qui commençait par ces mots : Priscus, vous ordonnez... A cela, Javolénus Priscus, qui assisait à la lecture, comme intime ami de Paulus, s'empresse de répondre : Moi ! je n'ordonne rien. Imaginez-vous les éclats de rire et les plaisanteries qui suivirent. Javolénus n'a pas l'esprit fort sain. Cependant il prend part aux devoirs de la vie publique ; on le choisit pour conseiller dans nos tribunaux ; son opinion est même légalement admise dans les débats judiciaires, ce qui rend encore plus ridicule et plus remarqué ce qu'il fit alors. Cette extravagance, dont Paulus n'était pas responsable, ne laissa pas de refroidir un peu sa lecture : tant il importe à ceux qui doivent lire leurs ouvrages en public, non seulement d'être sensés eux-mêmes, mais encore de n'avoir que des gens sensés pour auditeurs ! Adieu.
Traduction de M. Cabaret-Dupaty,
Quelques pistes d'étude :